Le Rav Yochiahou Pinto z"l

Rav Yossef, qui avait échappé à une mort certaine, fit preuve d’une grande détermination. A l’âge de 70 ans, il ouvrit un nouveau chapitre de sa vie, un chapitre dans lequel la Torah aurait une place prépondérante. Il se lança dans le commerce et s’enrichit rapidement.

Dans l’introduction de son livre “Kessef Mezoukak”, son fils lui rend hommage et le qualifie de « héros », de « sage digne de louanges » et d’homme « vaillant », et « dynamique » menant de front plusieurs activités.

Le commerce que Rav Yossef avait établi à Damas, en Syrie, était florissant. Très vite, il devint l’une des personnalités les plus fortunées de la ville. Plus il s’enrichissait, plus il se montrait généreux envers les démunis et les Talmidei Hakhamim. Il fut l’un des plus importants donateurs de sa génération en faveur de la Torah.

Le Abrabanel qui était l’un des ministres du roi d’Espagne écrivit dans la préface de son commentaire du livre des Rois : « Alors que je fréquentais la cour du roi, je m’adressais à lui deux ou trois fois, le suppliant de m’écouter : “Mon roi, sauve-nous ! Pourquoi agis-tu de la sorte envers tes serviteurs ? Impose-nous de lourdes taxes financières si nécessaire…” Mais telle une vipère sourde, il ignora mes prières et ne prit pas la peine de me répondre, tandis que la reine se tenait à sa droite pour l’inciter au mal. »

L’ordonnance d’expulsion stipulait que les juifs disposaient de trois mois pour vendre leurs biens et leurs propriétés immobilières. Le gouvernement s’était engagé à protéger les juifs durant cette période, mais ce ne fut bien entendu, pas le cas. Les juifs avaient l’interdiction formelle de quitter l’Espagne en possession d’or, d’argent ou de pièces de monnaie. En d’autres termes, ils avaient “l’autorisation” de vendre leurs biens, mais ne pouvaient recevoir en retour ni or, ni argent, ni pièces de monnaie. 

Les espagnols achetèrent les biens de leurs voisins juifs pour des sommes dérisoires, car ils savaient que ces derniers quitteraient prochainement le pays et étaient donc contraints de se défaire de leurs possessions en urgence.

Suite au décret d’expulsion promulgué par le gouvernement espagnol, les juifs rassemblèrent tous les biens qu’ils étaient autorisés à prendre et quittèrent l’Espagne avec leurs familles. Bon nombre d’entre eux abandonnèrent tout ce qu’ils possédaient et quittèrent le pays pour ne plus jamais y revenir. 

Certains juifs ne purent se résoudre à se défaire de leur patrimoine et se convertirent publiquement au christiannisme. Mais dans le secret de leur demeure, ils continuaient à pratiquer Torah et Mitsvot. Le tribunal de l’Inquisition poursuivait ces Marranes avec acharnement et réservait un sort terrible à ceux qu’elle considérait comme des imposteurs et des hérétiques. 

Les juifs espagnols devinrent la cible de déportations, de tortures et d’exécutions.

La sépulture de Rav Yossef Pinto

Le “Rif”, Rav Yochiahou Pinto zatsal, auteur du commentaire sur le Ein Yaacov

Depuis sa plus tendre enfance, le jeune Yochiahou fut perçu comme celui qui éclairerait le peuple juif par sa Torah, sa sainteté et sa piété. Son père, Rav Yossef, remarqua rapidement les capacités ainsi que les qualités de son jeune fils, et décida de lui transmettre ses enseignements et sa sagesse. Il avait coutume d’envoyer son fils auprès des Sages de Damas et des Tsaddikim de la génération afin qu’il s'imprègne de leur sagesse et adopte leur comportement. Rav Yochiahou étudia principalement à Damas, auprès du Gaon et Tsaddik Rav Ya’acov Aboulafia zatsal, qu’il prit pour modèle spirituel et grâce auquel il s’éleva en Torah.

L’ordination rabbinique

Plus tard, en l’année 5377 (1617), Rav Yochiahou se rendit en Israël, dans la sainte ville de Tsfat, où il reçut sa “Semikha” (ordination rabbinique) de la main de son maître Rav Ya’acov Aboulafia zatsal, qui avait lui même reçu son ordination de la main des disciples de Rav Ya’acov Beirav qui fut à l’origine de la réintroduction de la “Semikha” en Israël. Dès lors, Rav Yochiahou fut appelé par les Sages : “Harav Hamousmakh”, (le Rav “certifié”). [Rav Yaacov n’attribua la Semikha qu’à deux de ses élèves : son fils et Rav Yochiahou Pinto zatsal ]

Rav Yochiahou Pinto retourna à Damas muni de son ordination, telle une couronne de gloire coiffant sa personnalité de Torah.

De nombreux juifs de Damas vinrent profiter de sa connaissance aiguisée de la Torah, de la Halakha et du Moussar.

Le commentaire du Ein Yaacov

Rav Yochiahou Pinto zatsal est également connu sous le nom du “Rif” en référence au commentaire qu’il rédigea sur le célèbre ouvrage “Ein Yaacov” sur les Haggadot du Talmud. Ce livre fut rédigé suite au décès de son fils, Rav Yossef zatsal, en 5386 (1626).

Le ‘Hida (Rabbi ‘Haïm Yossef David Azoulay zatsal) écrit que « la louange [de cette œuvre importante] se répandit dans le monde entier ». Le commentaire du Rif, intitulé “Méor Einaïm”, fut d’ailleurs intégré au “Ein Yaacov” et constitue un approfondissement clair et précis des Haggadot du Talmud.

Après la parution de la première partie du “Méor Einaïm”, ce commentaire fut intégré à l’ouvrage du Ein Yaacov au titre de “explications du Rif” et fut placé après le commentaire du Maharcha. Aujourd’hui encore, les différentes éditions du Ein Yaacov présentent les merveilleux commentaires du Rif.

La seconde partie du “Méor Einaïm” fut retrouvée par le Rav Moché Nadjara dans la synagogue du Rav Moché Laniado. En 5500 (1740) il décida de publier cette œuvre en un seul volume. Cette même année, la seconde partie des commentaires du Rif fut également intégrée au Ein Yaacov.

Rappelé par son créateur 

Le Rav Yochiahou Pinto zatsal se lia également à la famille du Tsaddik et Mekoubal, Rav ‘Haïm Vital zatsal. Le fils de Rav ‘Haïm Vital zatsal, le Rav Chemouel, qui poursuivit l’oeuvre de son père et écrivit les livres “Mekor ‘Haïm” et “Béer Mayim ‘Haïm”, devint le gendre de Rav Yochiahou Pinto zatsal. 

En 5380 (1620), lorsque le Gaon Rav ‘Haïm Vital rendit son âme pure au créateur, le Rif devint à sa place le Rav de la communauté juive de Damas. En 5385 (1625), le Rif quitta Damas pour s’installer définitivement à Tsfat. Mais un an plus tard, son fils Rav Yossef zatsal décéda à l’âge de 24 ans. Rav Yochiahou Pinto retourna alors à Damas et y officia en tant que Rav jusqu’à sa mort, le 23 Adar 5408 (1648) à l’âge de 83 ans. 

Que son souvenir soit pour nous une source de bénédictions.